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Selon Saint-Jean

20 cm. De quoi vous donnez envie d’avoir cet Allium (bien) nommé ‘Globemaster’ au jardin. Le diamètre impressionnant de son inflorescence nous propulse sur une autre planète. Effet bombe atomique.

Argentay – Les Verchers sur Layon. Un dédale de petites rues où des maisons à la pierre blanche de pays ou anciennes habitations troglodytes s’érigent comme les mots sans cesse inventés par Schéhérazade. Nous ne sommes nulle part. Benoît arpente l’un des tunnels, trouve le Verbascum bombyciferum et me dit : « Elle est bizarre cette plante, on dirait qu’elle vient d’une autre planète. Elle nous ressemble ». C’est notre monde onirique. On est un peu ailleurs et un peu chez nous en ce vendredi après-midi d’avril, chez Bella et David Gordon des Pépinières Plantagenêt : seuls parmi des centaines de plantes. Avec un plan du dernier quartier (de lune), on pouvait étirer les comètes, se prendre au jeu de sortes d’épithètes accolés au nom des plantes tels ‘Little Maid’, ‘Dallas Blues’ ou ‘Squaw Select’ ! Des ronds sur le papier se muaient en atmo-sphères dans nos mains.

La circulation se ramifie en tous sens. Nous sommes aux portes des Ulis 2. Le grand champ qui fait office de parking pour la fête des plantes de printemps à Saint-Jean de Beauregard ouvre le paysage sur les grandes tours de la banlieue. Gigantea. Un lendemain, un samedi sur la terre. L’après douceur angevine…, le tout-Paris se presse. Autant de cases où mes idées viennent se blottir dans la tour circulaire du pigeonnier. Nous voici, Benoît et moi, en pigeons voyageurs. En quête d’autres épithètes latines. Le giganteum de l’Eryngium s’est perdu dans la masse d’autres attributs. L’australis pourrait venir de l’autre hémisphère mais il est là bleu dans le sacre d’un Baptisia. L’esthète hastata ‘Pink Spires’ rivalise avec sa grande sœur de Buenos Aires -dans la famille je demande- Verbana ! Les pépinières défilent comme des marchands de rêves, marchands de Rome dans un temple. Le potager entouré de son enceinte murée a soudain l’évocation d’un cloître. Repos. Les jonquilles fânent au verger, des tulipes jaune pétant éclairent les massifs de ce potager classé jardin remarquable. La terre des carrés est labourée. Sol nu. La vigne sans feuilles. Seule la Clematis armandii offre sa profusion à notre sortie comme la promesse de l’abondance. L’opulence.

Mais c’est parfois Sous Un Arbre Perché que l’on s’échange quelques mots en toute simplicité. La Bretagne, sous quelques gouttes, avec la découverte par la pépinière des Korrigans du Teucrium. Les adjectifs nous manquent. Une chose speciosa comme un introuvable Telekia, faux espoir de la pépinière de collection Les Avettes. Comme si à Saint-Jean, la littérature latine était d’un autre temps, avait perdu ses lettres de noblesse. De pépinière en pépinière, nous sommes en quête de plantes comme de missives. Saint-Jean, tour de Babel où tous nous avons le même langage. Les anglicismes ont envahi les bouches : aux envies de couleurs ‘Red Arrows’ (d’un Veronicastrum), ‘Green Jewel’ ou ‘Orange Spider’ (pour Echinacea) ; aux accents d’un Elton John avec ‘Beauty of Cobham’ (pour Monarda) ou ‘Weeding Candles’ (pour Verbascum).

Saint-Jean et sa confusion des sens. La rencontre de deux mondes : l’ancien et le moderne. Ça s’entremêle, se tisse. On confectionne comme les alvéoles du colombier. Puis certaines plantes vagabondes sont en dehors : au parfum soi-disant de banane, ‘Longicuspis’ s’élancera en liane au-dessus de nos têtes où trottera peut-être une douce musique classique ‘Serenade’ (d’une Salvia) ou encore un goût de vin nouveau à la robe forcément lie-de-vin et au nom franchouillard ‘Beaujolais’ pour une Lysimachia… Voilà que les feux de Saint-Jean nous enivrent.

Douceurs angevines

En vadrouille. Un vendredi où tout le monde travaille, nous prenons la route. Traversant les coteaux, les vignes prennent de jolies couleurs, pour certaines dorées pour d’autres empourprées. Nous sommes dans le layon. Sur la route des vins.

L’Anjou est terre de vignobles en effet, terre de duchés et de belles lignées mais aussi terre de pépiniéristes. La douceur angevine y est certainement pour quelque chose. Depuis quelques temps, avec Benoît, nous avions décidé de trouver une pépinière en Anjou qui pourrait nous correspondre. Jacques Briant, c’était bien mais disons assez limité et très « vente par correspondance ».

Vers 11h, dans le village de Savennières, première étape : Hortiflor. Nous entrons dans les serres, personne sous les tunnels. Des pieds-mères de plantes vivaces mais une atmosphère de pépinière fantôme. Prêts à repartir, nous revenons vers le parking et c’est alors que nous comprenons que nous nous sommes fourvoyés en allant dans les tunnels «de culture privée ». Un étalage de plants de légumes anciens éveille ma curiosité mais les godets de vivaces l’attisent davantage ! J’avais envie d’une monarde mais celle proposée m’a laissé impassible. Dans les rangs, j’ai remarqué une échinacée blanche… Puis pénétrant sous la grande serre-magasin, j’ai été stupéfait de trouver Mrs Bradshaw dont j’avais très envie depuis un moment ! Mrs Bradshaw étant bien entendu une Benoîte (Geum chiloense). A la différence de la Geum à floraison précoce orange que nous avons eue au Jardin Mosaïque d’Asnières-sur-Vègre, ‘Mrs Bradshaw’ possède une floraison estivale double, rouge écarlate. Elle se plaira au soleil et dans notre terrain plus ou moins sec. Benoît, quant à lui, avec des images d’Hermannshof en tête, a jeté son dévolu sur Helenium bigelovii. Forcément, son voisin le ‘Rubinzwerg’ est tombé aussi dans le panier. Ce qui monte désormais notre effectif d’Helenium à cinq cultivars : a priori le ‘Ruby Tuesday’ brun rouge sombre, ‘Moerheim beauty’ orange cuivré, ‘Rubinzwerg’ rouge cuivré, ‘Baudirektor Linne’ rouge orangé et le petit dernier aux ligules jaunes, le bigelovii ! On dirait que l’on commence une collection, hein ?! Il est certain que nous sommes dans une phase Helenium. Ils sont peu exigeants et fleurissent longtemps. Cependant, au vu d’un panel de cultivars impressionnants, nous avons un peu de mal à distinguer leurs caractéristiques propres. Enfin, je n’ai pas oublié de repartir avec une Echinacea à floraison blanche : purpurea ‘White Swan’. Ses capitules blancs devraient se décrocher pendant toute la saison estivale de son centre conique orange-brun et finir en oreilles de chien battu !

La route du sud nous a conduits à Doué-la-Fontaine. Exit les rosiers. Le déjeuner sur un banc, près sans doute de l’hôpital local, a eu tout de même du piquant. Une chatte écaille de tortue, semble-t-il affamée, a animé le repas. J’ai dû partager mon sandwich crudités avec le petit félin sans oublier de beaux morceaux de flan coco ! Il nous a fallu raison gardée pour ne pas craquer pour cette Felina calina…

Aux Verchers sur Layon, la maison basse en pierres de Tuffe de la pépinière Plantagenêt se cache au regard du visiteur. Il faut faire tinter la cloche pour qu’une charmante dame anglaise vous accueille. La cour dévoile alors un jardin de vivaces au milieu d’un sol caillouteux. Passer les murs de la première petite enceinte, au nord de la maison un jardin d’expérimentation laisse vivre librement graminées et plantes vivaces. Déjà, l’environnement et l’esprit de cette pépinière nous ont séduits.

Les tunnels sont des portes vers des mondes époustouflants. Notre jardin naturaliste défilant sous nos yeux au fil des plantes bien rangées. Nous avons aimé retrouver la grande ombellifère du jardin d’Hummelo chez Piet et Anja Oudolf, Peucedanum verticillare. Des découvertes qui vous font du bien : Verbascum ‘Petra’ et Liatris scariosa ‘Alba’. Il nous a fallu faire des choix. Une indispensable pour Benoît (Hermannshof jamais très loin !) : Echinacea paradoxa qui fera certainement son effet lumineux dans le prochain massif du « dernier quartier ».

Il fallait pousser la visite dans les allées des pieds-mères de la collection de graminées. Apothéose. Notre élément. Comment ne pas craquer ? Se promettre de revenir ! Pour le Pennisetum macrourum par exemple ou une Echinacea ‘Tomato Soup’ ou encore Miscanthus ‘Morning Light’. Pour le moment les épillets argentés qui surmontent le feuillage rougeâtre du Miscanthus sinensis ‘Rotfuchs’ vont rejoindre le futur massif ‘dernier quartier’ au printemps prochain. Tout comme ce beau Panicum aux épis brillants, qui après hésitation entre le cultivar ‘Plantagenêt’ et ‘Sqaw Select’, s’avèrera être le second après lecture de l’étiquette, nous confortant dans notre choix de pépinière : une obtention de Piet Oudolf…