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Laisser-faire… le vagabondage !

Ses petites pousses rouges, fragiles, ont fini par casser la terre avec une force inouïe. Nous guettions depuis des semaines son arrivée, s’étant fait à l’idée de ne pas le revoir grandir, l’Eupatorium maculatum ‘Glutball’. Mars et ses frayeurs de ne pas voir tout réapparaitre. Et puis la Nature nous invite à un étonnant voyage. Sans compter les vagabondages ! La Persicaria polymorpha semble être revenue du monde des morts-vivants. Avec l’hiver, souffrante ; avec avril, envahissante.
Les réveils tardifs sont parfois les plus étonnants. Plongés dans leur sommeil hivernal, les Hostas et les Rodgersias s’éructent à grande vitesse. C’est beau de voir tout ce monde grandir.
Des centaines de plantules recouvrent désormais le massif du dernier quartier. Fin mars, après avoir retiré cartons et feuilles qui recouvraient le dessin du futur massif, j’ai commencé à remuer la terre à l’aide de la grelinette. Puis, j’ai fini par céder à la tentation de l’engin mécanique : la motobineuse. Après plusieurs passages, en large en travers, et un écrasement des mottes à l’aide d’un croc j’ai planté une sélection de vivaces –en partie acquises à Saint-Jean de Beauregard. Ensuite, j’ai semé notre jachère fleurie Novaflore, censée attirer moult papillons ! Il ne restait plus qu’à laisser-faire !
Aujourd’hui, la taupe a grossi le trait : de ses monticules, elle a surligné le contour. Mais nous n’intervenons plus dans le processus naturel du tableau « évolutif ». Les vivaces ont été absorbées par les annuelles ou bisannuelles de la jachère qui semble se densifier de jour en jour. La Salvia pratensis ‘Serenade’ avec sa floraison printanière a pris de l’avance et sort du lot. Quant aux Briza media, elles ne sont pas en reste balançant leurs épis au vent. Ce nouveau massif, nous l’avons pensé dans la veine naturaliste la plus « hard » ! Pour cela, nous avons essayé de retranscrire l’idée globale du « manuel » Laissez faire ! L’art de jardiner avec les plantes qui se ressèment toutes seules (aux éditions Ulmer) : jardiner avec la nature et non plus contre elle. Nous avons planté dans l’optique de nous laisser surprendre, le choix des plantes était donc primordial : presque toutes vont se ressemer. Knautia macedonica, Verbana hastata, Verbascum bombyciferum, Sedum matrona pour celles apportées en godets. Tragopogon porrifolius (Salsifis cultivé) et Atriplex hortensis rouge (Arroche) en ce qui concerne les semis ajoutés à la jachère. Bien entendu sans oublier d’y placer quelques graminées : des Miscanthus sinensis ‘Rotfuchs’, Panicum virgatum ‘Dallas Blues’, Panicum  virgatum ‘Squaw Select’ et Pennisetum macrourum.

D’autres vagabondent déjà en dehors de leur massif d’origine ! Comme les Centranthus (Valériane rouge et blanche), les coquelicots (Papaver rhoeas) ou les Nigelles de Damas, les Juliennes des Dames (Hesperis matronalis) et pour la première fois cette année le Geranium phaeum. Sans le savoir réellement, nous avons fait du « jardin en mouvement », concept cher à Gilles Clément. Ce dernier n’est pas le seul à avoir le monopole du laisser-faire au jardin. Notre ouvrage cite entre autres Wolfram Kunick comme étant le « pionnier des pionnières » ainsi que la « vague hollandaise », notamment Piet Oudolf, Henk Gerritsen ou Ton ter Linden. Contrairement à ce que l’on peut croire, le laisser-faire demande un travail constant, quasi quotidien en ce qui concerne la gestion des « indésirables », prélevées manuellement. Un travail difficile puisque la main de l’Homme doit être insoupçonnable… Les jardins de Great Dixter et Waltham Place près de Londres en sont des exemples remarquables de « naturel » dans un écrin formel. Enfin, ce livre a été une source d’inspiration en me présentant le travail de la paysagiste Madelien van Hasselt dans son jardin néerlandais (eh oui encore là-bas !) : Het Vlackeland, ne laissez pas son nom vous échapper. « Son jardin est un merveilleux exemple de l’effet époustouflant que l’on peut obtenir en très peu de temps avec des plantes qui se ressèment spontanément. Il illustre la diversité obtenue, ainsi que l’ordre qui émerge du chaos ».
Il était lisse, juste dessiné. Bien cerclé. Je l’ai rêvé foisonnant, éparpillé, luxuriant. Maintenant, il vagabonde. Il m’échappe même.

laissez faire

Ebloui par…

…les éditions Ulmer ou l’art de faire de beaux ouvrages. Et comme une nouvelle fois, nous allons parler d’elles en bien, nous espérons qu’elles nous enverront plein de livres ! Hein ?

En attendant, pour mon anniversaire recevoir Jardins Contemporains de Brigitte et Philippe Perdereau – Didier Willery, le feuilleter et respirer son papier neuf m’ont fait oublier mon âge. C’est un gros livre avec de belles images. Il nous présente une quarantaine de jardins ouverts à la visite ou non, privés ou jardins de paysagistes classés en trois courants de conception : jardins épurés et graphiques, jardins sculptés et modelés, jardins naturalistes et sauvages. Ces jardins sont néerlandais, anglais, belges mais aussi français !

« Une fois la classification établie, une remarque intéressante s’est imposée : les jardins minimalistes sont toujours le fait de concepteurs, de professionnels du design (…) Ils sont étroitement liés à l’architecture et au mode de vie de (leurs) habitants, mais apparaissent généralement statiques : ils n’évoluent pas. La palette végétale utilisée reste souvent très réduite, mais les plantes bien choisies et précisément positionnées créent des effets à couper le souffle (…) Pour rester cohérents, les jardins minimalistes ne souffrent pas de négligence, tout comme les intérieurs « design » ne laissent pas de place au désordre. (…) A l’inverse, la plupart des jardins naturels ont été plantés par leurs propriétaires eux-mêmes. Ils évoluent au fil des années, en fonction des découvertes de nouvelles plantes (…). Ce sont des jardins vivants et évolutifs. Plus ils se rapprochent de la « nature » (…) plus l’entretien se simplifie au fil des ans, mais plus il demande de connaissances botaniques et pratiques. Il faut en effet être capable de distinguer les semis spontanés des différentes plantes de celles des « mauvaises herbes ».

Cohérent avec nous-mêmes, le troisième volet du livre fait la part belle à ce que l’on aime. Le jardin de Jaap de Vries sous une lumière éclatante est vraiment magnifique. Le jardin particulier de Berchigranges dans les Vosges va devenir très certainement une destination pour des vacances !

Cependant, ce livre n’a pas fait que renforcer une adhésion à un style. Il m’a permis d’apprécier le « moutonnement » des persistants comme j’imagine le reproduire à travers une future haie basse de laurier cerise ‘, de nous prendre à rêver Benoît et moi à un bassin de nage écologique, nous surprendre à admirer le contraste entre la sobriété d’une maison cubique très contemporaine et un véritable champ de graminées (Miscanthus sinensis ‘Morning Light’) sur le flan d’une colline dans la conception de Peter Janke pour un jardin privé près de Francfort, Allemagne… Sans oublier de se questionner en même temps que les auteurs : « Comment le jardin de Piet Oudolf vu maintes et maintes fois dans les magazines et dans de nombreux livres peut-il encore être présent dans cet ouvrage ? Parce que son créateur ne se repose pas sur ses lauriers et qu’il évolue lui aussi dans ses techniques. Ses nouvelles plantations n’ont plus rien à voir avec les « vagues de vivaces et graminées » qui ont fait sa réputation ». Maintenant à nous de créer ce qui fera le jardin de demain, notre jardin.

jardins contemporains

Notre inspiration, c’est aussi en feuilletant un autre ouvrage des éditions Ulmer « Le jardin/ The garden Hermannshof » (Texte Cassian Schimdt – Photographies Philippe Perdereau). Hermannshof, situé à Weinheim en Allemagne, est depuis 1983 un jardin de démonstration et d’essai : « Les plantations exemplaires de vivaces en fonction de leurs milieux sont une source d’inspiration pour les jardiniers amateurs, les architectes paysagistes et les services des espaces verts ». Une vocation réussie selon le souhait du professeur Richard Hansen (fondateur d’un autre jardin d’essai qui a largement inspiré celui d’Hermannshof : Weihenstephan), « devenir la référence en matière de connaissances jardinières ». Hermannshof est un jardin d’essai original dans le sens où il n’est pas « axé sur l’évaluation comparée des variétés de plantes » mais sur l’évaluation comparée « des utilisations de ces plantes, ce qui implique l’observation d’associations de plantes selon des critères liés au site, à l’écologie, à l’esthétique ainsi qu’aux techniques de culture ». Une vision inédite pour l’époque. « Le choix des plantes est tout autant déterminé par les conditions régnant sur le site de plantation que par les aspects esthétiques ». C’est pourquoi le jardin d’Hermannshof se décompose en huit milieux distincts : vivaces de sous-bois et lisières, plantes de prairie sèche nord-américaine et de steppe, graminées hautes de prairie nord-américaine, plantes de prairie humide, plantes de steppe sèche et garrigue, plantes de zone marécageuse (et nénuphars), plantes vivaces de massifs nord-américaines et asiatiques (et plantes annuelles). L’ouvrage nous offre de grands formats photo, parfois en double-page avec des variétés qui ont attiré notre regard et notre curiosité tels le Malus hupehensis aux couleurs flamboyantes en automne, la Melica transsilvanica, le Phlomis maximowiczii, l’Echinacea paradoxa aux pétales retombants jaunes, la pallida et l’Echinacea simulata au rose plus soutenu que la précédente, le Cornus ‘Ascona’ aux bractées d’un blanc pur, les Camassia (plantes bulbeuses), la Monarda fistulosa var.fistulosa de son rose pâle associée à un Panicum virgatum ‘Dallas Blues’… Un régal !

hermannshof